J’aimerais marquer le décès de Fidel Castro avec des salutations respectueuses au nom de feu mon père, Thomas G. Buchanan, et partager avec vous quelques informations sur les interactions qu’il y a eu entre eux.
En 1966, mon père s’est rendu à la Havane « à l’invitation du gouvernement cubain à une période à laquelle le gouvernement des États-Unis considérait de telles visites illégales » (illégales pour les citoyens américains). Il y passa trois semaines à faire de la recherche pour un livre qu’il écrivait sur les activités du CIA au Cuba, y compris plusieurs attentats d’assassinat contre Osvaldo Dorticós et Fidel Castro. Selon ce qu’en a écrit mon père dans son livre Big Brother, un des attentats déjoués que la CIA avait menés contre Fidel Castro, présentait des similarités de stratégie avec la façon de laquelle, selon mon père, l’assassinat de Kennedy avait été menée.
Les informations sur les attentats d’assassinat, que mon père avait obtenues de sources cubaines, furent confirmées une décennie plus tard par la commission Church, lors de leur enquête sur les activités illégales des agences d’intelligence du gouvernement des États-Unis. Cependant, à l’époque, cela aurait été des informations nouvelles pour le public américain – une révélation endommageante sur ce que fabriquait la CIA au Cuba.
Mais le livre ne fut jamais publié, subissant le même sort que beaucoup d’autres des écrits de mon père après son livre sur Kennedy: l’éditeur à Amsterdam, qui avait déjà signé un contrat pour le livre, négligea d’abord d’accuser réception du manuscrit. Finalement, après un an d’efforts de contact par mon père et l’intervention d’un avocat, la maison d’édition voulut bien payer la somme du contrat, mais ne pas publier le livre. L’agent littéraire à New York, qui, enthousiasmée par Les assassins de Kennedy, avait supplié mon père « d’en écrire d’autres de la même encre » , l’informa soudainement, sans explications, qu’elle ne pouvait pas s’occuper de son nouveau manuscrit sur Cuba. Elle le lui a réexpédié… par bateau, pas par avion, ce qui a fait qu’il ne l’a reçu que deux mois plus tard. Sans technologie pour photocopier, mon père comptait sur le retour de ses manuscrits pour pouvoir les re-soumettre à d’autres prenants possibles. Sinon, ça demanderait qu’il re-tape à la machine, page par page, les plusieurs centaines de pages du manuscrit. Ce genre de délais et volte-face arrivaient souvent quand il s’agissait des écrits politiques de mon père.
Mon père rencontra Fidel Castro en personne lors de cette visite à la Havane, et je crois bien (quoique je ne peux pas en être sûre) qu’il y a peut-être une transcription d’interview enfouie quelque part, ainsi que le manuscrit lui-même, parmi les nombreux papiers qu’il nous a laissés. Malheureusement, ni l’un ni l’autre n’a encore été déniché, alors je ne peux pas partager les mots propres de mon père sur sa rencontre, ni ceux de Fidel Castro tels qu’ils pourraient peut-être être révélés par une transcription.
Mais les relations entre mon père et Fidel Castro ne se sont pas arrêtées là, et les citations que je suis en mesure de partager proviennent de lettres que mon père m’a écrites vers la fin de sa vie.
Il avait reçu un diagnostic de myélome multiple en 1984, peu après la publication de son livre Big Brother. Après plusieurs médicaments différents, le spécialiste avait décidé qu’il était temps de commencer un traitement par interféron. Malheureusement, le traitement a dû être remis à plus tard, parce que le médicament produit aux États-Unis n’était plus livré en France, et les hôpitaux français n’avaient pas encore trouvé un fournisseur de remplacement. Le spécialiste conseilla à mon père que, s’il avait « une influence quelconque dans quel que pays que ce soit parmi la demi-douzaine des pays producteurs (y compris le Cuba) » , il devrait essayer de voir si on pouvait lui en faire parvenir de là.
« Alors », m’écrivit mon père, « [épouse] et moi sommes allés à l’ambassade du Cuba, où, dès qu’ils ont découvert qui j’étais, ils ont dit qu’ils avaient lu mes livres et mes articles depuis des années, et s’ils pouvaient m’aider de quelque manière que ce soit, ils feraient de leur mieux pour m’envoyer le médicament dont j’avais besoin. Ils ont envoyé un télégramme à la Havane le jour même, et une seule semaine plus tard, les autorités cubaines leur ont envoyé une réserve initiale d’interféron, par avion diplomatique. L’ambassade l’a livré immédiatement à l’hôpital Villejuif à Paris, où il fut marqué pour mon usage exclusif. »
Ils ont promis, aussi, d’en envoyer encore s’il y avait besoin de plus.
Cela s’est passé en 1985. En février 1986, mon père reçut encore quelques informations sur comment ça se faisait qu’il n’avait pas eu à payer pour le médicament envoyé par les cubains:
« Il y a quelques semaines, [épouse] et moi avons été invités à déjeuner par l’ambassadeur du Cuba. À mon grand étonnement et plaisir, il s’avéra être le monsieur qui avait été mon meilleur ami lors de ma visite de trois semaines à la Havane en 1966. Il dit qu’il avait parlé en personne avec Castro à propos de mon besoin d’interféron, et que Castro m’avait envoyé ses “salutations”. Cela explique donc le cadeau d’interféron. J’ai lu dans le journal Newsweek, il y a pas longtemps, qu’un an de traitement par interféron coûtait 50.000 dollars. N’est-ce pas miraculeux ? Je ne vois pas comment j’aurais pu payer pour ce que j’ai déjà reçu, et il n’y a aucun moyen de savoir combien de temps ça continuera. »
Je ne suis pas sûre combien de temps de plus dura le traitement par interféron, mais à ma connaissance, mon père n’a jamais eu à le payer.
Alors, merci, Fidel Castro, pour avoir aidé mon père à réduire sa souffrance et tenir sa maladie à distance aussi longtemps que possible. Que ce soit une faveur personnelle ou simplement la bonne volonté cubaine de donner un coup de main quand il s’agit de besoins médicaux, le don de médicaments et les salutations ont été bien appréciés.
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